(Article de mai 1994)
Le seul à avoir sonné du biniou avec la Musique de la Garde républicaine ! Véritable ambassadeur de musique bretonne, François Colin, est ancien garde républicain et toujours sonneur. Partout où cet enfant de Porspoder a joué, c'est un peu de Bretagne qu'il emmenait avec lui.
Grâce à François Colin, la musique traditionnelle bretonne a été interprétée dans les hauts lieux parisiens, du Palais de Justice à la Tour Eiffel en passant par l'École militaire... Pendant toutes ses années d'exil parisien, il n'a jamais oublié son pays. Aujourd'hui en retraite, il profite de son temps pour revenir plus souvent sur ses terres d'origine et fait le point sur des années de carrière, militaire et musicale, bien remplies.
Le déclic ? François Colin s'en souvient parfaitement. C'était en 1956, j'étais dans ma 16e année. Je gardais les vaches sur les dunes de Porspoder tout en lisant un article traitant de la Bretagne et en particulier de sa musique. »
C'est alors que naît sa vocation. « Je serai sonneur ! », décide-t-il. Le hasard aidant, il entre au collège de Porspoder et rencontre Henri Léon, professeur d'anglais et instructeur dipômé de piping d'Écosse. Une rencontre avec celui qui restera à jamais son maître et son ami (lire ci-dessous).
François Colin suit les cours de cornemuse d'Henri Léon entre 1956 et 1957. Il l'accompagne ensuite dans ses concerts. Puis arrive l'heure du service militaire à la base de Lann-Bihoué et de
l'Algérie. A son retour, il rejoint la Garde républicaine. Là, il rencontre deux joueurs de bombarde, deux autres Bretons qui ont, comme lui, leur Bretagne natale rivée au coeur. Ils jouent
ensemble lors des cérémonies de leur corps de gendarmerie. « J'ai spécialement arrangé et adapté la Marche de Robert Bruce, un air écossais du XIIIe siècle,
pour qu'elle puisse être jouée par une formation classique. Nous l'avons interprétée l'an dernier ainsi qu'en 1993 avec la Musique de la Garde », raconte François Colin.
Il en convient « Que je sonne à Paris, à Berlin où à l'occasion de fêtes du Pays du Léon, c'est toujours avec la même émotion. »
La même sincérité et le même respect des traditions, aussi. En retraite depuis mai dernier, François Colin envisage de se «remettre dans le circuit » du milieu musical celtique. Il faut
s'attendre à son apparition prochaine sur les scènes de la région.
« Non seulement c'était un très bon sonneur, mais en plus, il était à l'avant garde et a fait avancer le mouvement breton. »
François Colin ne tarit pas d'éloge lorsqu'il parle d'Henri Leon, Professeur d'anglais, penn-sonneur à la Kevrenn Saint-Marc de Brest, fondateur du cours de musique « Beg an treich » à Porspoder. Henri Léon, surnommé "ar big" - la pie - est décédé en août 1962 à l'âge de 29 ans. Mais dans sa courte vie, il a eu le temps de laisser un héritage important aux sonneurs : la première méthode de biniou braz.
« Jusqu'alors, tout se transmettait de bouche à oreille. Henri Léon passait ses vacances en Ecosse. Il a transposé à la musique bretonne
l'écriture que les Ecossais utilisaient pour la cornemuse. »
C'est alors que commencent véritablement les collectes des airs anciens, notamment réalisées par Donatien Laurent.
« Nous allions dans les fermes, se souvient François Colin. On demandait aux anciens de chanter ou siffler les airs. »
Favorisant le doigté, le souffle, l'oreille, ainsi que le solfège, la méthode d'Ar Big attire au collège musical de Pospoder les penn-sonneurs des bagadou de Brest, Saint-Brieuc, Rennes et Rostronen.
« Auparavant, lors du concours de bagadou de Brest, les bagadou jouaient les airs qu'ils désiraient. A partir de ce moment, ils ont joué des airs formalisés et on a pu comparer leur qualité d'interprétation. Mais ça a donné lieu à des querelles entre novateurs et conservateurs. »
Divergences qui existent encore .
Sylvie Opportune